Ineos Grenadier, l’anti-SUV qu’on attendait ?
À force de voir tous les 4x4 devenir des SUV, on en viendrait presque à croire que le vrai tout-terrain n’existe plus. Pourtant, une marque sortie de nulle part, ou presque, est venue bousculer cet ordre établi avec un véhicule aussi brut qu’attachant : le Grenadier. Et en version Quartermaster, ce pick-up longue cabine devient plus qu’un hommage au passé. Il incarne une vision radicale du futur.
L’histoire commence en 2017 dans un pub londonien, "The Grenadier". Où Sir Jim Ratcliffe, patron du géant de la chimie INEOS, aventurier dans l’âme, décide qu’il est temps de faire revivre l’esprit du Defender d’avant. Plutôt que de râler dans son coin, il décide… d’en construire un lui-même. Résultat : un projet industriel lancé de zéro, un site racheté à Mercedes à Hambach en France, et une philosophie claire comme de l’eau de roche : du costaud, du fonctionnel, du fiable.
INEOS a donc fait appel à BMW pour animer le Grenadier, au choix les deux excellents six cylindres en ligne 3L : un diesel de 249ch et 550Nm et un essence de 286ch et 450Nm. Le tout associé à une boîte auto ZF 8 rapports bien connue pour sa douceur et sa robustesse. Et puisqu’on parle d’un vrai 4x4, le Grenadier est bien entendu équipé d’un système de transmission intégrale permanente, mais aussi d’une boite courte, un différentiel central verrouillable, et, en option ou de série selon la finition, des différentiels avant et arrière blocables.
On vous passe les détails du châssis échelle renforcé, des essieux rigides Carraro ou des suspensions à cinq bras… mais disons que le Grenadier est prêt à tout encaisser. Avec ses 800 mm de profondeur de gué, ses angles d’attaque dignes d’un buggy et sa garde au sol de 264 mm, il ne fait pas semblant. Ce n’est pas pour jouer au baroudeur en centre-ville. C’est fait pour grimper, tirer, encaisser.
Le Grenadier n’essaie pas de plaire. Il affirme. Silhouette cubique, ailes plates, charnières visibles, chaque détail est dicté par l’usage. Pas de fioritures, pas de chrome inutile, pas d’aérodynamique léchée. Même les ailes plates ont une raison d’être : poser sa caisse à outils. Sur le Quartermaster (version essayée), la benne mesure 1,56m de long pour 1,62m de large. De quoi loger à peu près tout sans forcer, donc pas de stress à avoir. Et vu que la charge utile peut atteindre 835 kg et que le tout peut tracter 3,5 tonnes, inutile de préciser que ce n’est pas là pour faire joli.
Dans le Grenadier, on revient à quelque chose de plus brut. Et ça fonctionne. Les commandes sont claires, accessibles, et surtout pensées pour être utilisées avec des gants. Mention spéciale à la rangée de boutons au plafond, façon cockpit, pour gérer les fonctions tout-terrain. C’est original, pratique et totalement cohérent avec le reste du véhicule. Les sièges Recaro sont confortables, même sur de longues distances, le sol est lavable au jet d’eau, et les matériaux sont choisis pour résister au temps. On retrouve même un "Toot Button" pour saluer les cyclistes sans leur faire peur. Oui, vraiment. L’écran central de 12,3 pouces affiche tout ce qu’il faut, notamment Apple CarPlay et Android Auto sans fil. Rien d’exceptionnel, mais tout est là. Et sur les versions Fieldmaster ou Trialmaster, on peut même avoir du cuir, des sièges chauffants et un bon système son. Un peu de confort dans ce monde de brutes !
Sur route, le Grenadier demande un petit temps d’adaptation. On pourrait s’attendre à un comportement pataud, et c’est le cas, avec son châssis échelle, ses essieux rigides et son rayon de braquage à faire pâlir un bus. Malgré ça, il reste plaisant à conduire. La direction assistée hydraulique n’est pas ultra précise, mais elle reste prévisible. Il ne cherche pas à être dynamique, mais il reste sain. La suspension encaisse, la boîte ZF fait le job, et le moteur offre suffisamment de couple pour s’extirper des pires situations sans jamais forcer. Ce n’est pas un SUV, encore moins une familiale. Mais ce n’est pas non plus une punition à conduire. Il prend son temps, il balance un peu, il vibre parfois… mais il respire la robustesse. Et il donne envie de sortir des sentiers battus, quitte à s’éloigner un peu du confort aseptisé des voitures modernes.
Ce qui étonne le plus, c’est la curiosité qu’il suscite. Sur un parking, à une station-service, dans la rue : les gens s’arrêtent, posent des questions, veulent savoir ce que c’est. Certains pensent à un vieux Defender restauré. D’autres n’en ont jamais vu, mais tous sont intrigués. Parce que dans un monde automobile ultra aseptisé, le Grenadier sort du lot. C’est une voiture qui crée du lien.
Le Grenadier ne cherche pas à plaire à tout le monde. Il consomme beaucoup (entre 11 et 15L/100km), coûte cher (comptez autour de 100.000€ bien équipé pour un Quartermaster), et ne se gare pas en un claquement de doigt. Dans un monde où les voitures deviennent de plus en plus semblables, le Grenadier fait figure d’exception. Il incarne une autre idée du progrès, celle qui passe par la durabilité, la simplicité, l’efficacité. Et quelque part, ça fait du bien. Alors non, ce n’est pas le choix le plus rationnel. Mais c’est peut-être l’un des plus cohérents. Et si vous cherchez un 4x4 qui ne ment pas sur ce qu’il est, qui vous accompagnera dans les endroits que les SUV n’osent plus regarder, alors le Grenadier mérite toute votre attention !











